Devant de corsage de chemise de femme, brodé en laine fil d'or et d'argent, région de Skopje

La broderie en Macédoine

Héritées des ancêtres et témoignant d’une rare puissance créatrice dans le domaine de l’art, la broderie de Macédoine s’utilise surtout sur le costume traditionnel, qui malheureusement a été délaissé à partir de la fin de la deuxième guerre mondiale pour des vêtements urbains.

Heureusement, cet art populaire n’a pas complètement péri parce qu’il repose sur une vieille tradition et aujourd’hui le costume de Macédoine est considéré parmi les plus beaux costumes traditionnels.

Le costume national macédonien comprend la tunique comportant de vastes espaces en broderies sur les manches et les pans. La tunique constitue à elle seule un habit. C’est pourquoi le costume macédonien comprend des vestes plus ou moins longues, généralement en laine ou en coton blanc, sans ou avec manches jusqu’aux coudes : klachenk, gounia, zaboun, saya, etc. que complètent un tablier et une large ceinture de laine. Pendant l’hiver, on porte sur le tablier un long manteau de laine, le djubé.

Dans les diverses régions, les manches de la tunique sont brodées différemment selon les dispositions du vêtement supérieur, qui peut être à son tour avec ou sans manches.


Manche de chemise de femme brodée en laine et fil d'or, région de Skopje

Les broderies constituent un ornement pour les tuniques que portent les femmes. Selon les régions, elles peuvent orner les bords de devant et les manches du klachnik. Dans d‘autres régions, ce sont les manches du saya qui sont ornées de broderies. Ou les fichus de tête. Ou les sokaïs, antique ornement de tête, de la longueur d’un fichu rectangulaire, fait d’un tissu grossier de coton ou de chanvre avec des broderies de couleur en laine ou soie ; les deux angles supérieurs forment un capuchon qui se rabat en arrière, tandis que le bout inférieur retombe librement sur le dos et se termine par des longues franges en laine ou soie.

Les broderies de Macédoine se distinguent par leur relief. Généralement, les manches, les plis du vêtement qui recouvrent le buste et les pans de devant sont plus ou moins recouvertes de broderies en relief dont les points serrés font l’effet d’un tissu et ressemblent souvent à un tapis. Dans ces broderies, la femme semble y avoir voulu montrer toute la richesse de son âme, son goût de l’esthétique, son sentiment des formes et des couleurs, son pouvoir d’imagination dans la façon d’employer les motifs et de combiner les ornements compos&és de traits délicats.

Du point de vue de la couleur, les broderies macédoniennes constituent une riche composition aux tons clairs et doux qui se confondent dans un ensemble d’une belle harmonie que complètent les effets extérieurs soulignant sa valeur artistique. Le rouge de tous les tons du clair au plus foncé prédomine dans les broderies au point d’en constituer le trait caractéristique. Dans la Macédoine occidentale, les broderies sont exécutées en rouge. On rencontre dans différentes combinaisons avec cette couleur essentielle le jaune, le vert et le bleu. Dans la Macédoine du Nord, on emploie le noir et un peu de rouge, ou beaucoup de jaune et de rouge. Dans la région de Débar, prédomine le rose clair combiné au rouge, au jaune et au mauve.

Dans l’ornementation des broderies, ce sont les figures géométriques et les figurations de plantes prises séparément ou dans diverses combinaisons qui prédominent.

Les broderies nationales sont aujourd’hui un « document » sur le passé du pays. Au début, les Slaves au moment de se fixer dans les Balkans, possédaient leur propres broderies qui plus tard furent influencées par l’art byzantin, tandis que la domination turque devait y introduire de nouveaux éléments d’influence orientale. La richesse des broderies macédoniennes rappelle par leur couleur et leur ornementation celles d’origine syrienne et copte. La croix qui figure presque partout dans ces broderies est un reliquat de l’époque de la domination turque visant à en souligner le caractère chrétien.

L’interprétation et la reproduction non seulement des éléments empruntés aux influences étrangères, mais aussi des créations auxquelles ils ont donné lieu sur place varient de région à région, ce qui dénote la tendance vers l’individualisation et des efforts en vue d’imprimer un caractère propre à l’art et même au costume lui-même. C’est ce qui explique la variété extrême des broderies dans les différentes régions macédoniennes.

Les broderies de Macédoine s’exécutent sur des étoffes de coton, de chanvre ou de laine de couleur que la femme macédonienne a filé et teinté de ses propres mains. Dans certaines régions, on exécute les broderies en fils de soie ou en fils d’or et d’argent. On dessine tout d’abord les contours en points linéaires - points de contour - avec du fil noir. Puis les pleins sont remplis en points de reprise. On compte les fils en brodant en diagonale à deux fils sur la chaîne de l’étoffe de haut en bas dans une même direction et en retournant par en bas. C’est ce qu’on désigne du nom de « point macédonien » pour les distinguer des autres broderies plates. D’autres points sont utilisés également : le point lancé, le point de biais, le point en relief, les jours, le point cordon, le point enchaîné.