Dans cette immense terre arctique, dont la plus grande partie reste
perpétuellement couverte de glace, les techniques artisanales de la population d'origine, les Esquimaux - ou
Inuit - ont toujours dû répondre aux conditions climatiques très dures. En effet, la survie d'une famille entière
pouvait dépendre de l'habilité de la femme à coudre un costume de peau suffisamment chaud pour que le chasseur
puisse résister au froid arctique.
Dans la société traditionnelle groenlandaise, la préparation des peaux et la confection des vêtements étaient
réservées aux femmes : leur possession la plus précieuse était un instrument coupant appelé oulou. Les
peaux, netoyées, grattées et assouplies, puis choisies en fonction de leur couleur, étaient découpées avec
précaution et montées selon le sens du poil. On assemblait les pièces au point de surjet, obtenant ainsi des
coutures souples, sans aspérités et recouvertes par le poil, ce qui assurait leur étanchéité. Le fil était fourni
par les tendons de baleine et de renne. Avant de coudre, la femme lissait les fils entre ses dents, les humidifiant
de salive, puis leur donnait une torsion en les roulant sur sa joue ou sa cuisse. Jusqu'au 20ème siècle, la peau de
phoque fut la plus utilisée, mais on employait aussi celle de tous les animaux de la région (renne, ours polaire,
chien).
Les pièces principales du costume groenlandais traditionnel sont une ample veste à capuchon, appelée anorak,
et des pantalons de fourrure s'arrêtant à mi-jambe. Les femmes glissent leurs pantalons dans des bas ornés de
broderies colorées et de dentelles. Les bottes montant jusqu'au genoux, appelés kamik, sont réalisées comme
les autres éléments en peau de phoque ; celles que les Groenlandaises portent pour les fêtes sont finement décorées.
L'emploi des perles en garniture est une tradition vieille de plusieurs siècles. Fabriquées à l'origine en os, en
bois de renne, ou encore avec les vertèbres d'un petit saumon appelé ammassat, elles ont été remplacées par les
grosses perles cylindriques dites "de baleinier", avant que les petites perles rondes en verre de couleur n'inondent le
marché, vers la fin du 19ème siècle. Au début, on se contentait de quelques rangées le long du col de l'anorak ;
de nos jours, c'est une véritable gorgerette multicolore qui recouvre la plus grande partie du buste féminin.
La décoration des costumes se faisait à l'origine avec des bandelettes ou de petits carrés de peau blancs et marron
disposés le long des coutures. Cette forme d'ornementation a évolué avec l'introduction des colorants synthétiques
pour devenir la broderie de cuir coloré appelée avittat que l'on retrouve aujourd'hui essentiellement sur les costumes
féminins. Cette technique d'exécution difficile se réalise avec de minuscules carrés de peau ne mesurant pas plus
de 2 mm, fixés chacun par deux petits points.
Au 19ème siècle, le coton, la laine et la soie ont fait leur apparition au Groenland et les femmes ont appris la broderie,
la dentelle, le crochet et le tricot. Toutes ces techniques ont été mises en oeuvre pour la décoration du costume
de fête féminin groenlandais.
Source : « Autour du fil, l’encyclopédie des arts textiles », Editions Fogdtal, Paris, 1990, volume 11.