Fragment de nappe composée de carré brodés de point de toile, point de reprise et point d'esprit - Filet Richelieu : les motifs brodés sont soulignés par un fil de lin blanc épais.

Le filet brodé

Réseau de fils noués ou tressés formant des mailles généralement régulières. Il existe plusieurs techniques de confection : le filet peut être noué à la main, crocheté, réalisé en macramé ou fabriqué à la machine.

Le filet sert de base à deux grandes catégories d’ouvrages : le filet simple, avec lequel on réalise directement des objets divers - sacs, gants, napperons - et le filet brodé, où le réseau de mailles sert de fond à différentes sortes de broderies.

Le filet était déjà connu au début de la civilisation égyptienne. Sa forme la plus ancienne fut probablement le filet de pêche noué au fil épais, semblable à celui que nous connaissons encore aujourd’hui. Au Moyen Age, on réalisa des filets plus fins destinés à être brodés. Ces filets étaient principalement confectionnés dans les couvents et on les insérait, sous forme d’entre-deux, dans les ornements liturgiques. Au cours des époques suivantes, leur utilisation s’étendit progressivement à d’autres domaines.

Dès le XVIème siècle, on vit apparaître en Italie un filet-canevas tissé, appelé buratto en italien puis lacis en français, destiné à servir de base aux broderies. Avec l’amélioration de la qualité de ce type de support et la diffusion progressive du let au crochet, le filet noué manuellement fut dangereusement concurrencé. Cependant, aucune imitation - et certainement pas le filet noué à la machine, inventé au XIXème siècle - n’a pu rivaliser de beauté avec un véritable filet à la main.

Au siècle dernier, les ouvrages au filet, notamment sous leur forme façonnée, prirent une place importante dans la mode féminine : vers 1870, on en faisait surtout des fichus et des châles, tandis que les gants, blancs ou en couleurs, revinrent périodiquement à la mode jusqu’en 1930. Le travail en chambre fournissait bon nombre d’articles au filet simple tandis que la confection du filet brodé était avant tout un passe-temps.

Les filets noués

Les noeuds employés dans la confection des filets sont nombreux et variés. Le noeud plat donne un filet relativement serré. Le noeud sur pouce, dont se servent les pêcheurs pour réparer leurs filets de pêche, est le plus courant, mais on utilise aussi le demi-noeud, pour faire le noeud de filet, par exemple. Pour réaliser un filet à broder, la maille simple est la plus fréquemment employée.

Les accessoires nécessaires pour travailler le filet sont, outre le fil, un plomb à broder, une navette à filet et des gabarits divers appelés moules. Le plomb à broder est un lourd coussinet qui sert à tendre le travail ; celui-ci y est fixé par un fil solidement noué. L’aiguille à filet, ou navette, est généralement fabriquée en acier, surtout pour les fils fins, mais aussi en bois et en os. Elle existe en différentes tailles et elle est munie, à chaque extrémité, de deux pinces aplaties presque fermées. Le bout du fil est noué au chas, le reste étant enroulé serré autour de la navette, d’une extrémité à l’autre. Les gabarits, cylindriques ou plats, sont confectionnés en os, en bois, en acier ou en plastique. De tailles très variées, ils servent à régulariser la distance entre les noeuds ainsi que la largeur des mailles.

Autrefois, les filets étaient surtout confectionnés en coton, mais on employait aussi le lin, la soie et la laine. De nos jours, on utilise généralement un coton très retors qui a l’avantage de ne pas s’entortiller.

Pour les ouvrages textiles, on distingue différentes formes de filet. Le filet travaillé en biais est un ouvrage facile dont le résultat peut servir à la fabrication de gants, nappes, hamacs ou sacs, par exemple. Le filet en rond, qui s’obtient en exécutant des rangées de cercles complets, peut avoir une forme tubulaire ou celle d’une rosace à plat : cela dépend du nombre d’augmentations. Il est possible d’orner le filet de motifs exécutés en même temps que le réseau lui-même : c’est le filet façonné. On peut, par exemple, varier la largeur des mailles ou réaliser d’autres types de motifs, comme les mouches ou les décors en éventail. On peut aussi sauter des mailles sans les nouer, pour aérer encore l’ouvrage, ou les entrelacer. Pour servir de base à la broderie sur filet, on emploie généralement le filet droit, qu’on obtient en augmentant d’un côté et en diminuant de l’autre.

Le filet brodé

Les plus anciens ouvrages de filet brodé que nous connaissions sont exécutés sur un réseau noué à la main. Les habitants d’Egypte, de Chine et d’Amérique centrale ont brodé sur ce support au moins 2000 ans avant notre ère. En Europe, les premières traces datent du Moyen Age : par exemple, on a retrouvé dans la tombe du fils d’Alphonse XI (1312-1350), roi de Castille, un coussin recouvert de filet brodé d’or et de soie de couleur. Les broderies sur filet exécutées dans les couvents étaient généralement des entre-deux sertis dans des toiles de lin ; les motifs s’inspiraient de l’Ancien et du Nouveau Testament. A partir du XVIème siècle, on utilisait couramment cette technique pour les accessoires vestimentaires, comme en témoigne le portrait de Claude de Lorraine, fille du roi Henri II, peint par François Clouet : la duchesse u porte un fichu en filet brodé. Ce type d’ouvrage fut très en vogue jusqu’au XVIIème siècle, et il figure en bonne place dans les premiers recueils de modèles publiés à cette époque.

C’est surtout au XIXème siècle et au début du XXème siècle que le filet brodé atteint l’apogée de sa popularité. Utilisé le plus souvent pour la décoration intérieure - rideaux, coussins, nappes, tentures, literie - , il envahit également la mode vestimentaire sous forme d’entre-deux qui ornent tabliers, robes, sous-vêtements et chemisiers. Les cols en filet brodé aux motifs plus ou moins complexes sont extrêmement recherchés. Les journaux de mode et les cahiers pratiques publiés à cette époque évoquent une multitude d’utilisations possibles et de motifs, parmi lesquels on trouve fleurs, feuilles, anges, figures mythologiques et dessins géométriques.

Les différents types de filet brodé - Les motifs se détachent plus nettement sur un filet noué à la main en raison de la légèreté et de la finesse de cette sorte de réseau. Ces broderies peuvent être réparties en trois groupes  : le filet antique, le filet-guipure et le filet Richelieu.

Le filet antique, l’une des plus anciennes techniques courantes - d’où son nom -, connut un renouveau à la fin du XIXème siècle et au début du XXème siècle avec des motifs inspirés de la Renaissance puis de l’Antiquité. Sa particularité réside dans l’utilisation du point de toile qui compose en règle générale les motifs. C’est le contraste entre la structure aérée du filet et l’opacité du décor qui fait de ce type d’ouvrage, simple à exécuter, l’un des plus beaux parmi les filets brodés. Le point de toile caractéristique est parfois remplacé par du simple point de reprise.

Le filet-guipure, qui connut une grande popularité au cours de la seconde moitié du XIXème siècle, se réalise généralement sur un réseau à larges mailles avec des points très variés. Le relief des motifs, particulièrement travaillé, anime des fleurs, des feuilles et des formes géométriques diverses. Les parties denses au point de toile et les parties ajourées au point d’esprit s’associent à des décors inspirés de la dentelle à l’aiguille - dentelures, araignées, triangles - exécutés au point de reprise, en lançant des fils très près les uns des autres pour obtenir des motifs particulièrement denses.

Le filet Richelieu se distingue par le bourdon épais qui cerne les motifs au point de toile. Les limites entre motif et filet sont ainsi dissimulées et la broderie acquiert un relief du plus vivant effet.

Source : « Autour du Fil, l’encyclopédie des arts textiles », Editions Fogtdal, Paris, 1990, volume 10.