Le point de Beauvais

Créée en 1664 par Colbert, ministre de Louis XIV, la Manufacture de tapisseries de Beauvais devait - contrairement à celle des Gobelins établie deux ans plus tôt pour les besoins du roi - travailler pour les particuliers afin de concurrencer les tapisseries des Flandres. Elle fut donc conçue comme une entreprise privée, subventionnée par le Trésor royal, mais devant vivre de la vente de ses productions. Le 5 août 1664, Louis XIV confia sa direction à Louis Hinart, marchand tapissier originaire de Beauvais. La Manufacture constituait dans la ville une cité à part, comptant à côté de ses ouvriers et artisans textiles, des teinturiers, brasseurs et boulangers qui bénéficiaient de tous les privilèges.

Hinart attira un grand nombre de Flamands pour tisser des «verdures». En vingt ans, il fournit deux cent cinquante-quatre pièces mais cela ne lui permit pas de surmonter les difficultés financières qui l’obligèrent à se retirer. Philippe Behagle lui succéda en 1684. Celui-ci fit travailler Jean Berain, dessinateur du Cabinet du roi, dont les grandes tentures connurent un vrai succès et apportèrent une certaine prospérité à la Manufacture.

Cependant, c’est sous le règne de Louis XV que cette entreprise connut sa période de gloire. Employé à la Manufacture en 1724, puis associé au directeur, J.F. Oudry, le célèbre peintre animalier, su remettre de l’ordre dans l’administration et renouveler les thèmes des cartons. Sur la demande d’Oudry, d’autres peintres fournirent des dessins, notamment François Boucher à partir de 1736.

Parallèlement à la création des tapisseries, les recherches s’étaient également orientées vers l’exécution de « meubles » (garnitures de sièges), activité qui se développa pendant toute la seconde moitié du XVIIIème siècle. A chaque tenture correspondait un ensemble (on compta 1 300 commandes de 1725 à 1750). Avant la Révolution, le dernier directeur créa même un atelier de tapis de belle qualité, moins chers cependant que ceux de la Savonnerie.

La période révolutionnaire fut désastreuse pour Beauvais, comme pour les Gobelins ; sans commandes, les ateliers durent fermer en 1793. A sa réouverture, en 1794, la Manufacture fut placée à la charge de l’Etat. Sous l’Empire, la décision de Napoléon d’inscrire Beauvais sur la liste civile lui apporta un nouvel essor : la production fut alors réservée à l’ameublement des palais impériaux.

Au XIXème siècle, la Manufacture fabriqua des tapisseries de sièges, des pastiches dans le style du XVIIIème siècle et des ornements liturgiques. L’établissement déclina doucement, bien qu’au début du XXème siècle des artistes comme Paul Poiret, Capiello ou Raoul Dufy aient fourni des modèles. Le 1er juin 1936, il fut rattaché au Mobilier national. Pendant la guerre, les ateliers durent trouver refuge à Aubusson, et le retour dans l’Oise s’avéra impossible, les bâtiments ayant disparu sous les bombardements. A la fin de la guerre, la Manufacture s’installa à Paris dans l’enclos des Gobelins, liant son destin à ce célèbre établissement.

Le point de Beauvais - Point de broderie réalisé avec un crochet sur métier et dont l’aspect rappelle le point de chaînette. Le crochet, originaire de Chine, est passé par les Indes avant d’arriver en Europe à la fin du XVIIIème siècle. On l’a également utilisé en Provence pour broder des motifs imitant les fameuses indiennes, dont l’impression était prohibée. A l’origine, ce point était exécuté avec un cordonnet de soie polychrome très retordu, employé pour des ouvrages de petit format (bourses, aumônières) et quelquefois pour des pièces prestigieuses en ameublement.

Le point de Lunéville se sert de cette même technique, mais appliquée à la pose de perles et de paillettes multicolores ; la haute couture en fait notamment grand usage. Actuellement, on emploie surtout le point de Beauvais pour le linge de table. On peut le réaliser avec un crochet classique très fin et du fil pour dentelle.

Source : « Autour du fil, encyclopédie des arts textiles », Editions Fotgdal, Paris 1988, Volume 3.

Pour plus de renseignements :
Un site de dentellière
Linge brodé