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Habit – Dérivé du latin habitus, qui signifie manière d’être, le terme désigne, à l’origine, l’ensemble des pièces qui composent le costume masculin ou la toilette féminine. Au cours des siècles, le mot a perdu son sens général – sauf, toutefois, lorsqu’il est employé au pluriel – pour s’appliquer à diverses tenues masculines comprenant en principe plusieurs pièces taillées dans la même étoffe. Dès la troisième partie du règne de Louis XIV, le costume masculin se compose de trois pièces essentielles : le justaucorps, vêtement à taille pincée et jupe élargie par des plis, la veste à manches longues – qui deviendra le gilet – et la culotte. L’ornementation de ces pièces peut être très riche (broderies en métal précieux, dentelles, boutons bijoux) et même ruineuse ; aussi Louis XIV établit-il des brevets n’autorisant que quelques privilégiés de la cour (jamais plus de soixante) à porter ce qui deviendra l’« habit de brevet ». A la fin du règne du Roi-Soleil, l’appellation de justaucorps disparaît du langage courant au profit du mot habit qui désigne dès lors le vêtement de dessus masculin. Pendant la période de la Régence, cette tenue vivement chamarrée est appelée « habit à la française », nom qu’elle porte aujourd’hui encore lorsqu’elle est utilisée comme livrée.
De nos jours, l’habit aux longues basques, parfois appelé queue-de-pie ou frac, est un vêtement de cérémonie ou de scène invariablement noir – sauf pour les académiciens qui portent le célèbre habit vert. Traditionnellement, il s’accompagne d’une chemise blanche, d’un gilet et d’un nœud papillon également blancs, le nœud noir étant réservé aux maîtres d’hôtel. Le pantalon, de la même étoffe que l’habit, est souvent décoré d’un ruban de soie noire sur la couture extérieure.

Hachures – Cette technique particulière du dessin et de la gravure, qui permet le fondu des couleurs ou les effets d’ombre par une série de traits réguliers, juxtaposés ou croisés, est également utilisée avec bonheur en tissage, notamment sur les tapisseries de haute ou basse lisse. Pour donner un modelé aux figures, représenter la fourrure d’un animal, passer sans brutalité d’une teinte à une autre, on tisse plusieurs nuances de couleurs en enchâssant les duites des unes et des autres. Cette technique fut employée avec une grande maestria dans la fabrication des anciennes tapisseries françaises.

Halasi, dentelle de – Dentelle à l’aiguille provenant de la ville de Kiskunhalas, en Hongrie méridionale. Ce type d’ouvrage fut inventé en 1902 par le professeur de dessin Aspad Dékani, aidé de Maria Markovits qui fut la première à l’exécuter. La technique se fonde sur une préparation minutieuse des fils de trace, tendus sur le contour du dessin et servant de support au travail de remplissage des motifs qui seront ensuite reliés par des points de dentelle d’une grande finesse. Les thèmes, à l’origine résolument modernes, sont de nos jours plutôt de nature folklorique ou romantique.

Halland, broderie de – Broderie régionale suédoise, très appréciée au cours de la première moitié du XIXème siècle. En général, les motifs symétriques étaient exécutés en rose, rouge ou bleu pâle sur de la toile de lin blanche ; les plus caractéristiques sont les roues et les cœurs. On utilisait les points de chausson, de feston et le passé plat, ainsi qu’une technique de remplissage particulièrement utilisée en Suède, le bottensöm. Les contours étaient exécutés au point de chaînette ou de tige.


La broderie norvégienne de Hardanger servait surtout, à l'origine,
à décorer les pièces blanches du costume de cette province :
foulard, blouse et tablier de lin pour les femmes,
poignets et col des chemises pour les hommes.

Hardanger, broderie de – Ouvrage à fils tirés et à points comptés probablement né vers la fin du XVIIIème siècle dans la région montagneuse du long fjord Hardanger, à l’ouest de la Norvège. Après la Réforme, et sans doute influencée en cela par l’Allemagne et la Hollande, la riche contrée de Hardanger choisit de privilégier dans le domaine vestimentaire les tons blanc et noir, en contraste avec les costumes brillamment colorés des autres provinces norvégiennes. Sobrement élégantes, les femmes arboraient un vêtement de laine et de lin composé d’une jupe et d’un corselet de lainage noir, d’une blouse de lin blanc et de deux tabliers de lin, l’un noir et l’autre blanc et finement ajouré ; pendant l’office religieux, elles recouvraient leurs mains d’un foulard brodé. C’est ce travail ajouré en blanc sur blanc, décorant également les poignets et le col des chemises d’hommes, qui fut par la suite nommé broderie de Hardanger.
Ces ouvrages se composent pour une part de jours au décor typiquement géométrique, et, pour une autre, de blocs de points comptés appelés kloster ou « point de couvent ». Les anciennes broderies de Hardanger recouvrent presque entièrement l’étoffe qui leur sert de support et présentent une grande variété de points et de motifs harmonieusement associés. Leur raffinement les ont rendues célèbres hors des frontières de la Scandinavie. Au début du 20ème siècle, de nombreuses Européennes décoraient ainsi le linge de maison. Après la seconde guerre mondiale, l’application de cette technique aux cotonnades colorées retarda quelque peu la disparition de cette tradition.
La particularité des jours de Hardanger réside en ce que les contours sont brodés avant que les fils ne soient coupés et retirés du tissu. En utilisant un fil de lin assez épais, on obtient un point plat serré qui permet de couper sans risque les fils au ras de la broderie. Les fils restant forment un quadrillage ; on les rassemble ensuite en barrettes au point de reprise ou de surjet, souvent picotées. Les jours peuvent être remplis de motifs empruntés à la dentelle à l’aiguille (roue, grille, araignée, picot) ou de points d’esprit. Les points comptés qui environnent les jours s’organisent souvent en losanges à gradins soulignés de rubans brodés et de points étoilés.

Harris tweed – Cette célèbre étoffe de laine vierge cardée, en armure sergé 2/2, provient des îles Harris, Lewis, Uist et Barra, dans les Hébrides, au nord-ouest de l’Ecosse. On la tissait autrefois à la ferme sur métier étroit, de sorte que l’étoffe ne dépassait pas 75 cm ; elle dégageait l’odeur rustique des flambées de tourbe, habituelles dans les fermes des Hébrides. De nos jours, la majorité des Harris tweeds sont fabriqués industriellement ; parfois, on leur donne artificiellement une odeur semblable à celle des tissus d’origine. Ces tweeds se tissent unis, chinés ou avec des motifs divers, et s’emploient pour les tailleurs, les vestes et les manteaux de style sportif. La célèbre marque du véritable Harris tweed, représentant une sphère surmontée d’une croix, jouit d’une réputation internationale.

Haut-de-chausses – Vêtement masculin de forme variable, couvrant le corps de la taille aux genoux. C’est vers la fin du XVème siècle que l’on commence à distinguer les bas-de-chausses (qui deviendront les bas) du haut-de-chausses, qui s’arrête au milieu des cuisses et que l’on appellera bientôt chausses tout court dans le langage courant. Sous Louis XII, au début du XVIème siècle, on les ferme par un pan mobile sur le devant, la « brayette », ou braguette. La mode est alors aux hauts-de-chausses « partis », c’est-à-dire de couleurs et dessins différents pour chaque jambe. A la cour de François Ier, on les porte ornés de « crevés », ouvertures à travers lesquelles on aperçoit une doublure de couleur différente. Les « tonnelets » moulent les cuisses jusqu’aux genoux, tandis que les « culots », très courts, s’arrêtent à l’enfourchure. A partir d’Henri II, les hauts-de-chausses suivent la mode espagnole ; ils sont bouffants, parfois rembourrés de crin, de laine ou d’étoupe : on peut alors y inclure des poches. Sous Henri III, on les préfère longs, à lodiers, sorte de rembourrage surpiqué, tandis qu’Henri IV, vers 1600, les porte larges, empesés et tombants aux genoux (grègues). Avec le règne de Louis XIII, les hauts-de-chausses vont disparaître au profit de la culotte et du pantalon.

Haut-de-forme – Chapeau cylindrique aux bords plus ou moins étroits. Vers la fin du XVIIIème siècle, il a été porté par les hommes et par les femmes. En flanelle ou en soie, gris ou beige à l’origine, la haut-de-forme devient noir après 1850 ; il se porte encore de nos jours avec les tenues de cérémonie.

Haute couture – Le concept de haute couture est né à Paris en 1858, sous l’influence du Britannique Charles-Frédéric Worth qui venait de s’installer à la cour impériale. Ce maître de l’élégance fut le premier à présenter ses modèles sous forme de collection ; il inaugura l’époque des grands couturiers masculins, à la fois concepteurs et dirigeants d’entreprise au carrefour des professions du textile et, au-delà, celle de la prééminence française – et plus précisément parisienne – à travers le monde en matière de création de mode. Pendant une centaine d’années, cette maison habilla toute l’aristocratie européenne, et bientôt aussi les milliardaires plus lointains, surtout américains. Cette naissance faisait suite à une autre innovation fondamentale pour l’industrie du costume – la confection – qui fit ses premiers pas aux environs de 1830. A cette époque, la prospérité croissante des pays occidentaux, les progrès apportés dans les différentes techniques mises en jeu, surtout dans celles de la teinture, ainsi que – paradoxalement – la qualité parfois médiocre de cette dernière, entraînèrent les Européens à remplacer leurs vêtements de plus en plus fréquemment. Ces conditions assirent l’influence internationale de la jeune « couture » française, qui connut une longue période de stabilité, tout en se nourrissant des contacts multipliés avec les pays étrangers et de l’influence des arts décoratifs. Vers 1900, Paris était devenu le haut lieu incontestable de l’élégance mondiale. Stimulées par le succès de Worth, d’autres personnalités s’imposèrent entre la fin du XIXème siècle et 1914, essentiellement partagées entre l’attirance pour un exotisme à l’orientale – tons vigoureux, silhouettes allongées et ondulantes – et un penchant pour le Modern Style : classicisme des formes et des couleurs, richesse des étoffes. Redfern apporta d’Angleterre le costume tailleur ; Jacques Doucet s’attacha à habiller les femmes avec un raffinement aérien, de même que Madeleine Vionnet qui fit des débuts prometteurs avec sa technique très personnelle de la coupe en biais. De son côté, Révillon s’intéressa aux fourrures et Paul Poiret frappa par la vigueur de ses coloris, inspirée notamment par l’orientalisme flamboyant des Ballets russes de Serge Diaghilev. Il se caractérisa surtout par sa recherche d’une ligne longue et fluide et par sa prédilection pour des garnitures pleines de fantaisie : glands, plumes, fourrures, franges, perles. A côté de ces grands noms figurent bien d’autres créateurs qui jouèrent un rôle notable dans l’évolution de la haute couture : il en est ainsi de madame Paquin qui développa une clientèle à l’étranger, de madame Gerber (l’une des sœurs Callot) avec ses lamés, de Jeanne Lanvin dont le goût pour les tissus luxueux est demeuré dans les mémoires.
Cette première période de la haute couture s’achève avec la guerre de 1914-1918, qui bouleverse radicalement la société française. L’extension du travail féminin – avec l’évolution du mode de vie et des mentalités que cela suppose – provoque alors une nouvelle demande en matière d’habillement. Pour travailler, voyager et pratiquer leurs sports favoris, les femmes ont besoin de vêtements plus simples et plus commodes. Les couturiers ne parviennent pas tous à s’adapter immédiatement et beaucoup doivent cesser leur activité. Dans les années de l’entre-deux-guerres, ce sont plutôt les femmes qui dominent la scène de la création vestimentaire : à celles de la période antérieure, déjà citées, s’ajoutent notamment Gabrielle – dite Coco – Chanel, puis Elsa Schiaparelli. Parmi les plus grandes réussites de cette tendance progressiste figurent les productions de Chanel, Patou et Lelong, qui travaillent avec ingéniosité et fantaisie les modèles courts à taille basse de la silhouette « à la garçonne ». Les créateurs s’ouvrent également aux nouveaux matériaux textiles que le chercheurs mettent à leur disposition. Parallèlement, l’influence du surréalisme se fait jour, dans les modèles de Schiaparelli surtout, tandis que Balenciaga marie à sa façon classicisme et modernisme. Au second conflit mondial succède une période euphorique qui se traduit entre autres par une mise en valeur exacerbée des attributs féminins ; l’épisode flamboyant du New Look, lancé par la maison Dior, en sera l’exemple le plus frappant. Cependant, les orientations de la période précédente se confirment : on attend plus que jamais de la haute couture qu’elle prenne en compte les exigences de la vie quotidienne dans l’élaboration des tenues de jour, la fantaisie étant davantage encore réservée au costume de soirée. D’autre part, les couturiers travaillent à l’élargissement de leur clientèle ; Jacques Fath s’inscrira notamment dans ce mouvement de rajeunissement stylistique.
La profession de grand couturier est désormais établie avec précision ; elle consiste à concevoir – avec le modéliste et le dessinateur – des modèles originaux, à les reproduire en petit nombre en les adaptant directement à la taille des clients, ainsi qu’à en vendre les droits de reproduction à des professionnels. Dans les années cinquante, matières et linges se multiplient ; la haute couture évolue sous l’influence géométrique croissante de la peinture abstraite. La décennie suivante correspond à l’explosion d’une demande émanant de la jeune génération du « baby-boom » ; c’est le prêt-à-porter qui l’assumera, sous l’impulsion des stylistes et des créateurs. La couture française conservera son orientation plus élitiste, mais cessera du même coup d’être à l’origine de l’ensemble des mouvements de la mode vestimentaire. Cependant, André Courrèges – relayé par Marie Quant – n’en est pas moins à l’origine de la mini-jupe et d’une mode courte et structurée qui fera fureur. Entre les réalisations de Balmain et celles – futuristes – de Cardin, se dessine toute une gamme de tendances : le retour triomphal de la maison Chanel témoigne par exemple du besoin d’un style sobre qui ne doit rien aux caprices de la mode. Peu à peu, des couturiers s’engagent aussi dans le prêt-à-porter, avec un remarquable souci de qualité. Cardin, Courrèges et Saint-Laurent suivent en cela, longtemps après, l’exemple de Lucien Lelong. Concrétisant ce rapprochement entre les mondes de la couture et de la création haut de gamme, une association – aujourd’hui appelée Chambre syndicale de la haute couture et du prêt-à-porter des couturiers et des créateurs de mode – rassemble depuis 1973 les maisons de haute couture qui comprennent un département de grande diffusion et les stylistes les plus prestigieux. L’appellation de haute couture est actuellement délivrée à vingt-deux maisons, qui se partagent – pour ce secteur de luxe – une clientèle internationale d’environ trois mille personnes ; à ce chiffre s’ajoutent une trentaine de créateurs de diverses nationalités qui, tous ensemble, mettent leur dynamisme et leur imagination au service de l’art de la mode. Outre celles déjà évoquées, il convient enfin de citer, parmi les maisons de couture contemporaines les plus importantes, Carven, Lecoanet-Hemant, Christian Lacroix, Ted Lapidus, Hanae Mori, Nina Ricci, Jean-Louis Scherrer, Per Spook, Torrente, Ungaro, Philippe Venet.

Haute lisse – L’une des deux principales catégories de métiers à tisser classiques utilisés pour les tapisseries, sur lesquels la chaîne est tendue verticalement. Ces métiers s’opposent à ceux dits de basse lisse sur lesquels la chaîne est horizontale. Il est difficile de situer avec précision le début de l’utilisation du métier de haute lisse en Europe ; le premier document qui cite cette technique, probablement née en Orient, date de 1303. Le métier de haute lisse est constitué de deux cylindres de bois, les ensouples, disposés horizontalement sur un même plan vertical et supportés par des montants doubles, les cotrets, reposant sur le sol et réunis par une traverse. La nappe verticale des fils de chaîne est enroulée sur les ensouples. Au fur et à mesure de l’avancement du travail, le tissu s’enroule sur l’ensouple inférieure afin de libérer une nouvelle portion de chaîne. Celle-ci se divise en deux nappes entre lesquelles on fait glisser la navette chargée du fil de trame. A chaque fil de la nappe arrière est relié un anneau de fil, la lisse, enfilé sur une perche. Les lisses servent à ramener les fils de la nappe arrière vers le devant pour permettre le tissage. Le tissage se fait à l’aide d’un modèle, dont les principaux contours sont tracés sur la chaîne. Ce carton est placé derrière l’artisan qui doit se retourner souvent pour vérifier le dessin et les couleurs. Le travail s’effectue sur l’envers de la pièce et un miroir mobile facilite le contrôle de l’ouvrage.

Hawaï, quilt d’ – Dans l’archipel polynésien d’Hawaï, annexé depuis 1898 par les Etats-Unis et doté du statut d’Etat depuis 1959, il existe une importante tradition de quilting associée à de nombreux mythes. Les ouvrages les plus typiques sont faits de grands motifs floraux monochromes, découpés de façon symétrique et appliqués sur un fond uni. Le degré d’humidité ambiante ne permettant pas la conservation des textiles, il est pratiquement impossible de trouver des pièces antérieures à 1875 et donc de dater précisément la naissance du quilting dans cette région du monde. Toutefois, on sait que le coton apparut sur ces îles au début du XIXème siècle, grâce aux compagnies de commerce maritimes sillonnant le Pacifique, et qu’il remplaça peu à peu les fibres végétales locales utilisées jusque-là. On suppose que les Hawaïennes apprirent les techniques de l’appliqué, du patchwork et du quilting auprès des épouses des missionnaires américains, à partir de 1820, environ. Contrairement aux ouvrages occidentaux, les quilts hawaïens ne sont pas réalisés avec des chutes, mais dans des coupons d’étoffes achetés dans ce but. Les trois grandes catégories d’ouvrages sont confectionnées à partir d’une technique similaire. On commence par découper un motif dans un tissu de couleur replié plusieurs fois, comme on le ferait pour un découpage de papier. On applique ensuite la pièce dépliée sur un fond de couleur contrastée, puis on surpique toute la surface de l’ouvrage en suivant les contours des motifs. Dans la première famille de quilts, le décor s’inspire généralement de la flore insulaire : boutons, fleurs et fruits s’épanouissent conjointement sur des arbres stylisés. En revanche, la reproduction de la faune est exclue, suspectée de porter malchance. On attribuait un nom à chacune de ces figures, toujours chargées de symboles ; à l’origine, elles n’étaient jamais copiées, parce qu’on les considérait comme la propriété de l’artiste créateur. Les motifs et les couleurs d’une deuxième catégorie de quilts font référence à la famille royale, tels la couronne de la reine, son peigne d’écaille et son éventail de plume, représentés dans des tons rouge et jaune, ce dernier coloris symbolisant l’or. Le troisième groupe, comprenant les « quilts du drapeau », témoigne d’un épisode tumultueux de l’histoire d’Hawaï. Au début du XIXème siècle, le roi Kamehameha Ier se rendit en Grande-Bretagne où il fut fortement impressionné par les insignes du pouvoir britannique. A son retour, il ne manqua pas de faire grand usage de la couronne ainsi que du drapeau anglais (Union Jack), qu’il imposa comme emblème national dans une version à huit rayures symbolisant les huit îles du royaume. La tradition des quilts aux tons bleus et rouge sur fond blanc est directement inspirée de cette période. Après que la domination américaine fut définitivement instaurée sur l’archipel et que, par voie de conséquence, il fut interdit de hisser le drapeau national, ce décor de quilt à caractère patriotique se multiplia, dénommé de manière évocatrice « mon drapeau bien-aimé ».
Les très beaux quilts d’Hawaï ont été soigneusement conservés et transmis de génération en génération, considérant que les motifs de ces ouvrages étaient sacrés et que l’âme de leur créateur y reposait, les Polynésiens ne pouvaient permettre aux regards étrangers de s’y poser. A l’heure actuelle, cependant, la tradition ne se maintient plus que parmi les couturières de profession dont les réalisations sont vendues aux touristes, et les mythes qui entouraient cet artisanat tombent progressivement dans l’oubli.


Nappe garnie de jours à fils tirés et de fines guirlandes au passé plat,
typiques du travail nommé baldyring.

Hedebo, broderies de – Broderies blanches d’un grand raffinement mises en œuvre, aux XVIIIème et XIXème siècles, par les paysannes de la région située à l’ouest de Copenhague. A cette époque, les populations rurales éprouvaient une grande fierté à montrer leur intérieur et, tout particulièrement, les textiles brodés de l’héritage familial. Privilégiée du fait de sa relative richesse et de la proximité de la capitale du royaume danois, la région de Hedebo parvenait sans peine à y écouler ses produits. Par ailleurs, les paysans de cette contrée de terres fertiles et de landes bénéficiaient, à l’encontre du reste de la population danoise encore asservie, d’un statut administratif libéral. Ces conditions qui assuraient l’indépendance économique de la population eurent une influence directe sur le développement des arts de l’aiguille. A Hedebo, comme partout ailleurs, le trousseau occupait une place primordiale dans la vie des jeunes filles : il constituait leur dot et permettait de juger de la situation financière de la famille, puisque les visiteuses étaient admises à admirer le contenu du coffre à linge. Pour la fille de la maison, une généreuse pile de draps, de housses de couette et d’oreillers et, surtout, une précieuse collection de blouses, chemises et linges décoratifs brodés, représentaient en quelque sorte une assurance pour l’avenir. Deux siècles durant, les femmes de Hedebo montrèrent une invention et un sens artistique peu communs, alliant d’une manière oubliée de nos jours les arts de la couture et de la broderie. La renommée des ouvrages de Hedebo a largement dépassé les frontières du Danemark ; elle repose sur la perfection de la réalisation technique et sur l’originalité de la composition. Les broderies de Hedebo sont classées selon un ordre chronologique. Leur point commun réside dans les motifs, inspirés à l’origine des ouvrages de la Renaissance : géométriques ou naturalistes, ils sont toujours disposés symétriquement. En tête de cet historique figurent le travail à point comptés, à la mode entre 1780 et 1840, et les fils tirés à l’ancienne, dominant entre 1800 et 1830. Généralement utilisés en bordure, ces derniers composaient un réseau surjeté puis rebrodé au point de reprise dont les jours étaient remplis de points entrelacés tels que le point d’esprit. Avec le temps, on remplaça les grandes bordures occupant toute la largeur du tissu par des motifs ajourés plus restreints, composés de petits carreaux ouverts sur fond de broderie serrée. Ce point quadrillé de Hedebo, surtout populaire entre 1810 et 1830, était complété par diverses sortes de rivières et par des détails à fils comptés. Entre 1820 et 1840, la « blanche » marqua un tournant dans cette histoire, puisque le décor se libéra en partie des formes géométriques pour privilégier des motifs sur tracé plus légers. De gracieuses guirlandes de fleurs au point de chaînette déployèrent ainsi leurs pétales ajourés sur des ouvrages qui comptent parmi les plus délicats de cette région.
A partir de 1840, la broderie de Hedebo se fit de plus en plus ajourée. Les brides jusque-là surjetées se couvrirent de points de reprise, laissant apparaître de larges ouvertures carrées où la brodeuse créait au point de boutonnière des motifs tirés de la dentelle à l’aiguille : œillets, picots, araignées. De riches guirlandes au passé plat coururent sur ces étoffes. L’association des jours rebrodés de dentelle à l’aiguille et des guirlandes au passé plat constitue précisément l’essence du baldyring, qui connut une courte mais brillante période de gloire entre 1840 et 1855. Ce fut également l’époque où les dentelles de Hedebo ornèrent avec le plus d’élégance les cols des blouses et des chemises. A partir de 1850, les ajourages géométriques furent remplacés par des découpes de forme plus libre. Dès lors, les remplissages en dentelle n’eurent plus à tenir compte du sens du tissu, ce qui affecta la rigidité de l’ouvrage et une partie de sa tenue. Ce point coupé de Hedebo allait mettre un terme, vers 1870, à l’évolution stylistique des réalisations de Hedebo. Le relâchement se généralisa en effet à l’ensemble du travail : les broderies au passé se réduisirent désormais au minimum et les motifs des bordures en dentelle se simplifièrent considérablement. On broda alors de moins en moins dans les landes de la contrée, mais à la ville, en revanche, la science de la broderie conservait son prestige et continuait d’être enseignée. Les motifs brodés inspirèrent peintres et architectes qui allèrent jusqu’à les reproduire sur le décor en stuc des plafonds. Les broderies de Hedebo s’expatrièrent un peu partout en Europe. Dans son Encyclopédie des ouvrages de dames publiée en France au début du XXème siècle, Thérèse de Dillmont porta plusieurs de ces modèles à la connaissance des lectrices. L’exécution des broderies de Hedebo nécessite une grande dextérité, mais on peut espérer voir revivre, avec le goût pour le beau linge et les travaux artistiques de longue haleine, ces ouvrages d’aiguille parmi les plus raffinés qui soient.

Henné – Arbuste tropical (Lawsonia inermis) appartenant à la famille des Lythracées, dont les feuilles contiennent un colorant rouge orangé. La culture du henné est très ancienne, particulièrement en Egypte, en Afrique et en Asie Mineure, où il est connu depuis des siècles comme teinture cosmétique. Après avoir réduit en poudre les feuilles séchées, les femmes en font une pâte dont elles s’enduisent les cheveux, les doigts et les lèvres, pour leur donner de chaudes nuances auburn ou orangées. On emploie aussi le henné comme teinture textile : sans mordant, on obtient un ton jaune tandis qu’avec un mordant à base d’alun ou de fer, il donne des teintes allant du jaune d’or au marron. Enfin, en l’associant à un sel d’étain, il produit un orangé.

Hennin – Coiffure féminine de forme haute et conique, qui apparaît en Europe à partir de 1420. Elle a probablement été inspirée par la tanture, coiffe syrienne composée d’un cône d’argent à la pointe duquel est fixé un long voile. Les croisés auraient ramené d’Orient cette coiffure qui connut un succès considérable, notamment à la cour de Bourgogne où elle fut introduite par Isabeau de Bavière. Elle fut portée pendant plus d’un demi-siècle, détrônant les coiffures à cornes, mais sa diffusion courante resta limitée à la Bourgogne, à la France du Nord et à la Hollande. Le hennin, dont le nom d’origine obscure n’était peut-être qu’un quolibet, se portait par-dessus un linge qui cachait les cheveux. Le sommet du front était rasé et une boucle généralement en velours faisait ressortir la blancheur de la peau. Appelé également « atour à bannière », il se composait d’un cône rigide en toile empesée recouvert de soie ou de tissu précieux ; un voile, fixé à la pointe, retombait souplement dans le dos ou se dressait autour de la tête en plis élégants soutenus par des fils de laiton. Le hennin atteignit parfois des proportions si extravagantes que l’administration royale édicta des ordonnances afin de limiter sa hauteur à 60 centimètres pour les bourgeoises et un mètre pour les dames de la noblesse !

Himation – Manteau porté dans la Grèce antique, fait d’une grande pièce d’étoffe que l’on drapait de diverses manières, généralement en laissant l’épaule droite découverte. Celui porté par les femmes était plus grand et couvrait souvent tout le corps. Un drapé raffiné était une marque d’élégance et de culture élevée.

Hime-temari, balles temari - Arrivées au Japon il y a 5 ou 6 cent ans, en provenance de Chine, ces boules étaient à l'origine un jeu d'enfant, fait de pièces de soie recyclés de vieux kimonos. Avec le temps, les coutures utilitaires devinrent de la broderie de plus en plus riche et compliquée, et de balles d'enfants, les balles temari devinrent des objets d'art, des cadeaux du Nouvel-An, des porte-bonheur. Les motifs sont géométriques et habituellement symétriques, avec plusieurs éléments empruntés à la nature (chrysanthèmes, fleurs de cerisier, grues, branches de pin).
Les motifs sont indiqués avec des épingles puis du fil de bâti. Les fils utilisés comprennent les fils de soie, les métalliques, l'or et l'argent, la rayonne et le coton perlé, et des rubans à broder. Certaines balles contiennent un grelot ou une clochette. On les retrouve maintenant comme décorations de fenêtre ou d'arbre de Noël, montées en mobile, ou sur un présentoir de table. L'emballage traditionnel est en un sac en tissu indigo (furoshiki) avec ses broderies sashiko blanches.


Ce détail d'un retable exécuté par Hans Holbein entre 1528 et 1529 (surnommé La Madone de Darmstadt) montre la précision
avec laquelle l'artiste reproduisait les étoffes et les particularités vestimentaires de ses modèles ;
il excellait tout spécialement à peindre la broderie noire au point de trait, dite aujourd'hui "genre Holbein", que l'on retrouve sur la robe claire de la jeune fille.

Holbein, broderie genre – Broderie à points comptés – et plus précisément au point de trait – appartenant à la catégorie des broderies noires. Ce travail porte le nom du peintre allemand Hans Holbein (1497 – 1543), qui reproduisit avec minutie ces broderies à la mode de l’époque sur un bon nombre de ses portraits. Cette technique et ses motifs caractéristiques furent transmis aux Espagnols par les Maures ; de là, ils passèrent en Italie, puis en France, peut-être par l’intermédiaire de Catherine de Médicis (1519 – 1589). La broderie noire était déjà connue à cette époque en Angleterre : dès 1390, le poète anglais Chaucer la mentionne dans ses Contes de Cantorbéry ; mais ce n’est qu’après l’arrivée de Catherine d’Aragon (1485 – 1536) en Angleterre qu’elle devint véritablement populaire sous l’appellation d’ouvrage espagnol. En raison de sa simplicité, la broderie genre Holbein a été employé plusieurs siècles durant sur les costumes traditionnels. Réversible, elle a souvent servi à décorer les cols et les manchettes, qui doivent être présentables sur l’envers comme sur l’endroit. Le point de trait de cette broderie peut être horizontal, vertical ou en biais ; il se compose de deux rangs de points devant que l’on superpose de manière à composer une ligne continue, identique des deux côtés de l’étoffe.
Cette technique permet de réaliser toutes sortes de figures géométriques et de motifs végétaux en frises, bordures ou remplissage. A l’origine, on brodait presque toujours avec du fil noir, mais on trouve aussi des ouvrages en fil rouge ou multicolore.

Hollie point – Dentelle anglaise à l’aiguille travaillée à main levée sur un support. D’après les anciennes collections d’échantillons, elle remonterait au XVIIème siècle. Certains chercheurs voient dans le nom Hollie Point une origine exclusivement liturgique, le mot anglais holy signifiant « saint » ; d’autres le rattachent au vocable voisin holey (percé), qui soulignerait l’aspect ajouré du travail.
Le Hollie Point fut surtout utilisé pour décorer les robes et les coiffes de baptême. Il se compose de rangées de points de feston brodées dans le même sens ; en jouant avec l’espacement des boucles, on obtient le motif souhaité. Le décor est géométrique, floral ou d’inspiration religieuse : on y trouve agneaux, colombes et arbres de la connaissance.

Hongrie, point de - Variante du passé plat proche du point de Florence et du Bargello. Les points sont souvent verticaux et associés par groupes de trois pour former des rangées de blocs décalés les uns par rapport aux autres ; ils composent des rayures, des zigzags, des damiers, ou encore des fleurs et des fruits stylisés. On appelle plus spécifiquement point de Hongrie des groupes formés d'un grand point encadré de plusieurs petits.

Honiton, dentelle de – Dentelle aux fuseaux à pièces rapportées qui doit son nom à la petite ville du Devonshire où était regroupée, pour être ensuite commercialisée, la production dentellière de toute la région et même des comtés voisins, le Dorset notamment. La dentelle de Honiton est apparentée à celle de Bruxelles : l’une comme l’autre se composent de pièces exécutées séparément puis assemblées par des brides ou appliquées sur un fond drochel ou un tulle machine. Elles se distinguent principalement par le choix du décor, la dentelle de Honiton s’ornant de motifs typiquement britanniques : roses, chardons, trèfles ou fougères. La qualité des Honiton ne fut pas toujours en mesure de rivaliser avec celles des célèbres Bruxelles ; aussi, le gouvernement anglais s’efforça-t-il de protéger sa production dentellière nationale en interdisant l’importation des dentelles étrangères. Au XIXème siècle, la qualité de la production de Honiton s’améliora nettement, grâce à la clientèle de choix que constitua la famille royale. De nos jours, des écoles et des associations dentellières maintiennent vivante cette tradition, bien que l’utilisation des ouvrages ait quelque peu changé : les différentes pièces de dentelle ne sont plus tant rapportées ou appliquées qu’employées seules en décoration. On peut aujourd’hui contempler de très belles pièces anciennes au Alhallows Museum de Honiton.

Houppe – Article de passementerie de formes variées, consistant en une touffe de fils de laine ou de soie, maintenus par un cordon, une bague de bois recouverte de fil ou un anneau de tissu. La fonction traditionnelle de la houppe est la décoration d’ameublement. On en fit grand usage à la fin du siècle dernier pour orner les cordons des rideaux drapés, les meubles rembourrés, les baldaquins et les portières. Les houppes sont également très prisées comme ornement militaire sur les uniformes et les caparaçons de chevaux.

Houppelande – Sorte de manteau long et très ample, porté avec ou sans ceinture, qui faisait partie des costumes masculin et féminin du Moyen Age. Probablement originaire de la région suédoise du Upland, elle fut introduite à la cour de Bourgogne vers la fin du XIVème siècle et s’imposa rapidement à la cour de France et d’Angleterre. Coupée dans une étoffe de prix, la houppelande, qui comportait souvent une traîne, était ornée de broderies, doublée de fourrure ou de soie et se terminait par un collet relevé. Ses longues manches, tombant jusqu’au sol, ainsi que ses bords étaient fréquemment décorés de profondes taillades.

Hydrofugation – Apprêt qui permet aux textiles traités de faire obstacle au passage de l’eau tout en conservant leur perméabilité à l’air et à la vapeur d’eau. Contrairement à l’imperméabilisation, qui consiste à enduire toute la surface d’un textile pour en boucher les interstices, l’hydrofugation ne s’applique qu’aux fils. Dans le domaine vestimentaire, les tissus constitués de fibres hydrofugées ont remplacé en grande partie les étoffes imperméabilisées, car ils permettent d’éviter les problèmes de condensation interne, améliorant grandement le confort des vêtements.

- Termes anglais :
H : abréviation de heigth, hauteur.
Hoop : tambour à broderie.

Sources :
- « Autour du Fil, l’encyclopédie des arts textiles », Editions Fogtdal, Paris, 1990, volume 11 ;
- Sites internet.