Métier à dentelle, carreau ou coussin, peut adopter des formes différentes selon les régions - Dentelle au point d'Angleterre

La dentelle

Ouvrage léger et décoratif à motifs ajourés, que l’on réalise avec un ou plusieurs fils de coton, de lin ou de soie. Contrairement aux jours ou à la broderie, la dentelle n’est pas travaillée sur un support de tissu : elle est entièrement élaborée avec du fil, souvent à partir d’un dessin ou d’un modèle.

On distingue deux grands groupes : le travail à l’aiguille, à base de points de feston, et celui aux fuseaux, technique d’entrecroisement des fils. Dans le langage courant, pourtant, la notion de dentelle couvre un vaste domaine aux frontières flous. C’est ainsi que l’on baptise improprement « dentelle » des technique aussi variées que la frivolité, les broderies sur tulle et de type Richelieu ou broderie vénitienne, de même que certains ouvrages au tricot ou au crochet, comme la dentelle d’Irlande, par exemple.

Le nom des dentelles évoque souvent une ville ou un pays mais ne correspond pas toujours à leur véritable lieu de fabrication : le point d’Angleterre est produit en Flandre, le Point de Venise imité en France et le Point de France copié en Italie… D’autre part, les dentelles d’une même origine ont pu connaître, dans des lieux distincts, des évolutions voisines à des époques différentes, si bien que l’aspect du fond et la nature des motifs sont des critères de datation insuffisants. L’ensemble de ces phénomènes rend singulièrement complexe l’étude de la dentelle ancienne.

Des origines méditerranéennes – On a retrouvé des traces très anciennes de techniques annonciatrices de la dentelle. Les recherches archéologiques menées en Egypte ont permis de mettre à jour des sépultures coptes contenant des coiffures ajourées. On ignore la méthode exacte de leur fabrication mais la technique, mélange de tressage et de mailles, ressemble beaucoup à celle qu’on appelle aujourd’hui « sprang ». Les tombes renfermaient aussi des bobines chargées de fils qui ont probablement servi à exécuter ces « dentelles » primitives. D’autre part, le tressage des fils de chaîne d’une étoffe, que le tisserand exécutait en finition, est peut-être à l’origine de la dentelle aux fuseaux.

La dentelle à l’aiguille telle que nous la connaissons aujourd’hui a pour précurseur deux techniques de broderie blanche ajourée : le punto tagliato, réalisé en faisant des trous dans une étoffe puis en brodant le contour des motifs découpés, et le punto tirato, où des fils du tissu étaient retirés ou rassemblés en faisceaux. Elle trouva ses formes définitives au cours du XVIème siècle : la transition peut être observée dans les livres de modèles italiens – parfois publiés en France -, dont les plus anciens datent de l’époque de François Ier. Les premiers ouvrages conçus indépendamment du support apparurent ensuite, sous la forme de « bordures à dents » (d’où le mot dentelle) appelées punto in aria (point en l’air).

Tous ces éléments semblent désigner l’Italie, et plus particulièrement Venise, comme le berceau de cet art délicat. Les éléments constitutifs et la technique ont été empruntés aux brodeurs, mais dès 1580, la dentelle est devenue un procédé entièrement indépendant.

Peu à peu, des centres dentelliers furent créés en Europe. Venise et Alençon se spécialisèrent dans la dentelle à l’aiguille, tandis que la dentelle aux fuseaux était fabriquée en Belgique et dans le nord de la France (Bruxelles, Anvers, Bruges, Valenciennes), en Italie (Milan), en Allemagne de l’Est (Annaberg, Schneeberg), dans les comtés du centre de l’Angleterre, ainsi que dans la petite ville de Tonder au Danemark. C’est aux XVII et XVIIIème siècles que l’activité dentellière fut à son apogée, avant d’entamer une période de déclin liée à l’évolution industrielle.

Du produit de luxe à la grande consommation – Jusqu’au XIXème siècle, les dentelles furent extrêmement coûteuses, non seulement à cause du processus de fabrication complexe requérant un fil de lin d’une grande finesse, mais aussi en raison des frais considérables de transport et surtout de douane ; il s’y ajoutait, pour les dentelles en fil métallique, le prix des métaux précieux.

Les autorités tentèrent à plusieurs reprises d’endiguer la prodigalité des amateurs de dentelle en promulgant certaines ordonnances – les célèbres lois somptuaires – concernant le costume, qui cherchaient à empêcher l’investissement de grosses sommes d’argent, de la part de particuliers, dans des biens de luxe improductifs. Elles visaient en même temps à éviter l’évaporation des fonds de l’Etat au profit de fabricants étrangers, tout en protégeant la production nationale. Pour ce faire, l’importation était lourdement taxée et parfois même interdite. Néanmoins, aucune personne de qualité ne pouvait se dispenser d’arborer ce symbole de richesse et de raffinement, et bien souvent nobles et marchands parvenaient à contourner ou à braver les règlements.

Les dentelles ornaient vêtements, costumes ecclésiastiques et militaires, sous-vêtements et accessoires. Dans les milieux très aisés, on les utilisait aussi en ameublement. En raison de leur prix très élevé, elles servaient surtout de garnitures. La confection de grands morceaux n’était pas seulement lente et chère, la technique en était aussi fort compliquée. Les vêtements et pièces d’ameublement entièrement confectionnés en dentelle restèrent donc très rares jusqu’à l’apparition du tulle machine. L’une des plus célèbres exceptions - le couvre-lit que le couple archiducal Albert et Isabelle de Habsbourg reçut à l’occasion de son mariage en 1599 – est conservée aujourd’hui aux Musées royaux d’art et d’histoire à Bruxelles. Les robes des impératrices Marie-Thérèse d’Autriche (1717-1780) et Marie-Louise (1791-1847), épouse de Napoléon Ier, constituent d’autres exemples mondialement connus.

Les inventaires, listes de dot et testaments permettent de connaître et d’estimer avec précision ce qu’on possédait autrefois. Ainsi, l’un des courtisans de Louis XIII acquit une fraise dont la valeur atteignait celle de « vingt-cinq arpents d’excellents vignobles » ! Un exemplaire des luxueux mouchoirs que l’on se contentait de tenir à la main coûtait deux cents ducats au XVIIème siècle (soit la valeur de 700 g d’or). Comme n’importe quel autre article, les dentelles ont suivi les diktats de la mode. On se paraît, à l’époque de la Renaissance, de modèles aux motifs très ajourés et aux dentelures profondes. Au XVIIème siècle, on leur préféra des dentelles aux bords droits ; coiffes et bonnets ne se concevaient pas alors sans garnitures délicates. Les cols, qui n’étaient guère auparavant que l’extrémité de la chemise, se détachèrent hardiment du vêtement, tuyautés en fraise ou dressés en col Médicis. Les chemises s’ornèrent de cravates à la Steinkerke puis, au XVIIIème siècle, de jabots. Deux cents ans après les tabliers de fantaisie du XVIIème siècle, les éventails et les ombrelles apparurent, généreusement décorés de dentelles ;

L’évolution du costume nous est connue grâce à d’innombrables peintres ; certains ont su reproduire les dentelles avec une exactitude minutieuse. Parmi eux ce sont particulièrement distingués Johannes Vermeer (1632-1675), Anthonie Van Dyck (1599-1641), Frans Hals (1581-1666) et Rosalba Carriera (1675-1757), une artiste italienne forte de son expérience de dessinatrice de modèles.

Les dentelles s’appliquaient surtout aux accessoires, coiffes ou cols, qu’il était possible de découdre et de moderniser lorsque leur forme originelle passait de vogue. Celles qui nous sont parvenues, en revanche, prennent souvent la forme de robes de baptême ou de voiles de mariée conservées pieusement de génération en génération.

Au fil des siècles, et surtout au cours du XVIIIème siècle, la bourgeoisie s’enrichit suffisamment pour pouvoir garnir de dentelles les vêtements portés aux grandes occasions – bals, mariages ou baptêmes – et pour en orner lingerie et linge de maison. Dans les milieux moins fortunés, elles n’étaient pas moins appréciées : on utilisait des pièces plus grossières ou des imitations en crochet et en tricot.

Petit à petit, les dentelles s’intégrèrent aux habitudes vestimentaires des classes moyennes et du costume de fête des riches paysans. Le costume tchèque des monts des Géants (Krkonose), dans le nord-est du pays, comprend ainsi un fichu et un fin tablier blancs garnis d’entre-deux en dentelle. De même, de nombreuses tenues régionales d’Allemagne du Sud et d’Alsace sont caractérisées par leurs bonnets ornés de dentelles en fils métalliques et les nombreuses coiffes normandes, ainsi que celles, hautes et aériennes, des Bretonnes, représentent une partie essentielle du costume.

Les dentelles sont des produits si communs de nos jours qu’il nous est difficile de concevoir la valeur qu’elles possédaient autrefois. A côté de la production mécanisée d’articles de grande consommation et de la fabrication artisanale traditionnelle, cette technique est à l’origine de nouvelles expériences artistiques. Les musées de Londres, Bruxelles, Bruges, Hambourg, pour ne citer que les plus riches, organisent des expositions permanentes ou provisoires de dentelles anciennes et contemporaines ; de plus il est toujours possible, sur rendez-vous, d’admirer leurs collections non exposées.

Les conditions de fabrication – A ses origines, la dentelle était l’œuvre de femmes issues de différentes classes sociales, qui confectionnaient chez elles les garnitures de leurs robes de cérémonies. A l’aide des livres de modèles, de grandes dames de l’aristocratie s’adonnèrent aussi à ce nouveau passe-temps ; on sait ainsi que Catherine de Médicis pratiquait les arts de l’aiguille (entre autres le filet) et qu’elle les enseigna à sa belle-fille Marie Stuart, reine d’Ecosse.

Au XVIIème siècle, la demande en dentelle s’accrût considérablement et la confection de ces articles de luxe d’une grande difficulté d’exécution devint un travail de professionnelles. Les religieuses des couvents, secondées d’orphelines et d’autres personnes nécessiteuses, de même que les ouvrières à domicile, travaillaient pour un salaire dépendant de nombreux facteurs : exigences de la mode, rapidité d’adaptation à la vogue nouvelle, degré d’originalité et de complexité du modèle travaillé, concurrence souvent à l’origine de baisses des prix et enfin habilité du commerçant à écouler sa marchandise.

Les manufactures s’organisaient selon deux modes de fonctionnement distincts : d’une part, pendant tout le XVIIIème siècle notamment, la direction répartissait l’ouvrage entre des ouvrières opérant à domicile ; elle ne conservait en atelier que le personnel requis pour les finitions, indispensables pour la réalisation de la dentelle à l’aiguille. Le travail pouvait également être entièrement réalisé dans des locaux fournis par le fabricant, ce qui permettait de regrouper et de surveiller les ouvrières, particulièrement les jeunes apprenties. Au cours du XIXème siècle s’affirma le règne des marchands-fabricants, dont Ernest Lefébure est sans doute le plus célèbre représentant. Sa prestigieuse maison de Bayeux stimula considérablement l’activité dentellière aux fuseaux comme à l’aiguille.

Même lorsque les ouvrières utilisaient des fils d’or et d’argent, ou encore du fil de lin de bonne qualité – qui valait très cher -, le coût du matériel ne constituait qu’une partie du prix de vente du produit fini. Ce dernier était déterminé également par le salaire versé aux employées, la marge de bénéfice prélevée part le commerçant, ainsi que par les taxes, les frais de transport et de douanes.

Il incombait toujours au manufacturier-marchand de faire réaliser les modèles par des dessinateurs professionnels, mais le prix des matériaux était retenu sur le salaire des ouvrières ; on les payait en espèces et l’employeur estimait lui-même la valeur du produit fini. Contrairement aux tisserands et aux brodeurs, les dentellières n’étaient pas réunies en corporation et leurs conditions de vie furent souvent difficiles, notamment à partir de la fin du XVIIIème siècle.

Le marchand assumait les risques financiers face aux mauvais payeurs, aux changements de mode, aux guerres et à l’instabilité politique sous toutes ses formes. Produit de luxe par excellence, la dentelle a toujours été vivement sensible, en effet, aux fluctuations politiques. Ainsi, connut-elle en France de graves revers lorsque l’édit de Nantes, qui assurait la liberté de culte, fut révoqué en 1685, obligeant les huguenots à fuir le pays. La Révolution de 1789 paralysa cette production, synonyme d’élégance aristocratique, mais Napoléon s’attacha plus tard à la faire revivre, encourageant principalement les centres d’Alençon et de Bruxelles. De 1830 à 1870 s’ouvrit à nouveau pour la dentelle une grande ère de prospérité : sous le Second Empire, elle fut très abondamment utilisée. La guerre franco-allemande et la chute de Napoléon III entraînèrent ensuite des changements radicaux dans le domaine de la mode : la disparition des crinolines, par exemple.

La crise la plus sévère éclata avec le succès de la mécanisation. La lutte désespérée qui s’engagea prit dans certaines régions l’aspect de véritables émeutes. En Angleterre, le mouvement ouvrier des Luddites se constitua dans le but de combattre la mécanisation - responsable selon lui du chômage et de la baisse de qualité des produits ; au début du XIXème siècle, il s’en prit directement aux machines textiles, dont celles destinées à la dentelle. Le Parlement réagit en instituant la peine de mort pour destruction de matériel. La modernisation eut pour conséquence d’aggraver considérablement la situation de l’ensemble du secteur artisanal car, dans une ultime tentative pour concurrencer la production mécanique, les salaires furent encore réduits.

Au XIXème siècle, les conditions de vie des dentellières changèrent. Le travail, de plus en plus morcelé et réparti sur des journées de labeur très longues, était essentiellement assuré en atelier et les ouvrières n’en voyaient jamais le résultat final. L’organisation du travail assujettissait totalement les ouvrières à leur patron. Souvent très mal payées, elles connaissaient des conditions de travail pénibles et les problèmes de santé propres à cette profession : dégradation de la vue et déformation de la colonne vertébrale essentiellement.

Evolution de la main-d’oeuvre - Il est difficile d’imaginer à l’heure actuelle l’importance économique que revêtait l’activité dentellière du XVIIème au XIXème siècle. Aujourd’hui, le nombre des employés de Vorarlberg en Autriche, de Saint-Gall en Suisse, de ceux du nord de la France et du centre de l’Angleterre, additionné à celui des ouvriers asiatiques, demeure dérisoire comparé au volume de la main-d’oeuvre d’autrefois. Autour du noyau formé par les ouvrières et les fabricants gravitaient en effet maintes professions indispensables à cette chaîne textile : fournisseurs et industries annexes (filatures, fabricants d’aiguilles, tourneurs de fuseaux), entreprises de finition et de distribution, fabricants de lingerie, marchands de mode et merceries.

En France, le nombre de personnes travaillant dans l’industrie dentellière en 1669 était officiellement de 17 300, mais ce recensement semble très inférieur à la réalité car, quelques années auparavant, on chiffrait à 8 000 les seules dentellières d’Alençon et à 22 000 celles de la région du Havre. Au XVIIIème siècle, ces ouvrières très spécialisées étaient 14 000 autour de Valenciennes, 20 000 dans le pays de Caux, 25 000 sur Dieppe, Arras et Lille et 100 000 en Auvergne. Au milieu du siècle suivant, la France comptait un total de 240 000 dentellières sur une population de 35 millions d’habitants. A la même époque, Friedrich Engels compta 3 546 machines à dentelle en Angleterre ; dix ans plus tard, le nombre de dentellières dans le centre de l’Angleterre avoisinait 18 500. Au milieu du XVIIIème siècle, Bruxelles comptabilisaient 200 marchands et 9 à 10 000 dentellières. Cent ans plus tard, il y avait en Belgique 50 à 60 000 ouvriers ; l’importance économique de la dentelle belge semble avoir dépassé celle de la tapisserie à son apogée.

Le nombre d’ouvriers dentelliers dans le monde fut évalué, vers le milieu du XIXème siècle, à 535 000 ; mais ce chiffre étaient en diminution constante alors que celui des machines augmentait, dans une évolution inexorable.

De nos jours, les 5 000 ouvrières allemandes d’Annaberg constituent un record européen. En 1974, il ne restait que 200 à 300 dentellières en France dans la région du Puy-en-Velay, dont l’âge moyen était de 75 ans. La fabrication manuelle s’effectue principalement aujourd’hui dans les pays asiatiques, qui produisent en abondance des dentelles bon marché. Incapables de concurrencer sur ce terrain leurs collègues orientaux aux salaires très bas, les dentelliers européens se sont spécialisés dans la fabrication artisanale à caractère touristique, ainsi que dans le marché de haut luxe et de l’art. le nombre d’artistes qui travaillent actuellement dans le domaine de la dentelle à l’aiguille ou aux fuseaux est d’ailleurs en augmentation. D’un prix élevé, ces oeuvres sont souvent des pièces uniques, considérées comme des objets d’art et exposées comme tels.

Un apprentissage précoce - Le travail de la dentelle exige une certaine formation qui avait lieu jadis en famille, en apprentissage ou, au XIXème siècle, dans des écoles spécialisées. Dans les régions à tradition dentellière, l’enfant s’initiait à cet artisanat vers sept ans, parfois déjà dès sa cinquième année ; les carreaux ou coussins aux dimensions réduites étaient aussi courants que les modèles miniatures de fers à repasser. L’éducation des fillettes avait souvent pour but principal - voire exclusif - l’apprentissage des techniques de la dentelle aux fuseaux ou à l’aiguille.

Dans les orphelinats administrés par l’Eglise ou par l’Etat, les petits pensionnaires se livraient à cette activité en contrepartie de leur entretien. Le travail des enfants était alors fréquent, notamment dans les manufactures anglaises ; en Suisse également, les plus jeunes - dès six ou sept ans - apportaient une contribution au budget familial en oeuvrant chez eux sur des machines à broder. Comme dans les autres secteurs de l’économie, les conditions de travail occasionnaient diverses maladies et une mortalité précoce.

Au XIXème siècle, l’enseignement tenta de s’organiser pour permettre aux ouvriers des manufactures de rivaliser avec les machines. Des écoles d’Etat se mirent à assurer la formation des professeurs. De nombreux dessinateurs de modèles firent leur entrée dans l’industrie à cette époque. La scolarisation obligatoire jusqu’à douze ans fut, à la fin du siècle, l’un des facteurs du déclin de la production dentellière, au même titre que la mécanisation et le désintérêt général pour une profession difficile et mal rétribuée. L’Etat français se préoccupa au tout début du XXème siècle de stimuler l’enseignement dentellier, en particulier en Normandie et en Auvergne, mais il ne put empêcher le coup de grâce porté à la dentelle par la première guerre mondiale.

Un certain nombre d’écoles ont survécu à toutes ces vicissitudes, notamment à Alençon, Valenciennes, Bailleul et au Puy, où s’est ouvert en 1976 le Conservatoire national de la dentelle du Puy, rattaché aux manufactures d’Etat. En Belgique et en Angleterre, des structures ont été mises en place pour sauvegarder l’enseignement de la dentelle. L’intérêt du public pour cet artisanat se fait plus marqué depuis les années 1970, comme l’indique, dans les régions dentellières, le succès de nombreux cours du soir et des stages, souvent prévus pendant les périodes de vacances.

Dentelle et culture - En Occident, la dentelle n’a pas seulement joué un rôle dans le domaine économique et dans celui plus frivole de la mode. Elle fait partie de notre héritage culturel et a exercé sur les arts une influence non négligeable.

C’est à la peinture tout d’abord que nous devons une grande partie de nos connaissances sur la dentelle. Il est fascinant d’étudier par exemple les portraits de la reine Elisabeth Ier d’Angleterre, qui tenait à ce que les pierres précieuses, les broderies et les dentelles ornant ses costumes fussent représentées de manière réaliste. Les sculpteurs ont su, également, et avec un talent extrême, exprimer dans des matériaux rigides la finesse et la légèreté des dentelles garnissant les costumes de leurs modèles.

Dans le domaine musical, la dentelle a inspiré des compositeurs aussi différents que Johann Strauss (Le Mouchoir de dentelle de la Reine) et Henry Purcell. La littérature n’est pas restée insensible non plus aux charmes de ces ouvrages délicats. Ainsi, Shakespeare (1564-1616), qui était originaire du centre de l’Angleterre, était-il à même de les connaître et de les apprécier. Protestant contre l’interdiction proférée par Louis XIV d’importer des dentelles étrangères, Mademoiselle de La Trousse rédigea un pamphlet intitulé Révolte des passements, dans lequel elle décrivit les dentelles de son époque. Outre-Rhin, Louise Otto-Peters (1819-1895) conduisit à la plume un combat acharné pour la défense des misérables dentellières d’Erzgebirge, mais c’est sans doute son compatriote Rainer Maria Rilke (1875-1926) qui sut avec la plus grande sensibilité capter sur le papier la nature aérienne de l’oeuvre de dentelle.

Innombrables furent aussi les témoignages anonymes des chansons de dentellières de tous les pays. Ces compositions, souvent chantées sur le rythme du croisement des fuseaux, évoquaient le saint patron local : saint Nicolas à Lille, saint Louis à Arras, saint François-Régis en Auvergne, sainte Anne à Bruges.

Cette production fut également marquée par l’instauration de fêtes liées à l’activité dentellière ; on célébrait les saints patrons, ainsi que la limite des périodes où la chandelle était indispensable. Bien peu d’entre elles sont parvenues jusqu’à nous.

Les services postaux de nombreux pays, enfin, représentent parfois sur leurs timbres des vêtements ou des personnages historiques vêtus de dentelles, ou bien célèbrent directement leur gloire, à l’imagine de la très fameuse dentellière de Vermeer.

Source : « Autour du fil, l’encyclopédie des arts textiles », Editions Bonnier, Paris, 1989, volume 8.