Film de El�onore Faucher, avec Lola Naymark (Claire) et Ariane Ascaride (Mme M�likian). Sortie le 13 octobre. Grand Prix de la Semaine de la Critique Cannes 2004, Prix Michel d�Ornano (1h28 � 35mm � 2004). Sc�nario El�onore Faucher et Ga�lle Mac�.

La r�alisatrice parle du film :

Apr�s avoir r�alis� deux courts m�trages, vous �tes venue au cin�ma par l�image en �tant assistante op�rateur, d�crivez-nous ce parcours�
J�avais fait une pr�pa � Nantes, et c�est dans le cadre de mes deux ann�es � Louis Lumi�re que j�ai r�alis� mon premier court-m�trage : � Les Toilettes de Belleville � ; en revanche le deuxi�me : � Ne prends pas le large � r�pondait � un concours de sc�nario de court-m�trage et, paradoxalement Brodeuses, est n� des difficult�s que j�ai rencontr�es pour monter ce second court m�trage : quitte � se battre, il fallait que ce soit pour un projet de long m�trage. Parall�lement � cela, j�ai �t� assistante op�rateur sur des t�l�films et des longs m�trages mais l�envie de r�aliser ne m�a jamais quitt�e. J�ai mis presque trois ans � �crire Brodeuses.

Qu�est-ce qui a guid� votre �criture ?
Dans un premier temps, j�ai �crit seule, jusqu�� ce que j�arrive � une premi�re version que je consid�re comme � peu pr�s lisible. Je l�ai pr�sent�e � l�Aide � la r��criture du CNC. J��tais soutenue par Bertrand Van Effenterre, il a suivi l��criture du film du d�but jusqu�� la fin. Quand j�ai obtenu l�aide du CNC, Catherine Siriez m�a pr�sent� Ga�lle Mac� ; Ga�lle relisait ce que j��crivais, me faisait des commentaires, et a eu aupr�s de moi le m�me r�le que ma monteuse, Jo�le Van Effenterre, par la suite : savoir doser les choses, savoir quand ce qu'on �crit devient lourd, ou quand on en dit trop peu pour que �a soit compr�hensible.

Comment est n�e l�id�e de Brodeuses ?
Ce qui a d�abord dirig� l��criture, c�est la relation entre une femme �g�e et une jeune femme, ce qu�elles peuvent s�apporter sans la moindre douceur, presque malgr� elles, et qui correspond assez � la relation que j�avais avec ma grand-m�re. Un jour o� j��tais en train de repriser un pull en me disant que je ferais mieux de le jeter, j�ai r�alis� que je n�aurais jamais fait ce geste si je n�avais pas vu ma grand-m�re repriser des v�tements qui se trouvaient parfois dans sa bo�te � couture depuis des ann�es .Nous n��tions pas particuli�rement proches, mais je me suis rendue compte que j��tais faite de tous ces gestes-l�, que ma grand-m�re et mes autres grands-parents, que mes parents, existaient quelque part en moi et que m�me si je ne suis que moi-m�me, je ne suis rien sans eux. Outre ce geste du fil tir�, j�ai �crit ce film un an apr�s avoir donn� naissance � ma fille et dans le m�me temps ma grand-m�re, � qui le film est d�di�, partait en maison de retraite� Je vivais un renouvellement de g�n�ration : le fil et la filiation. Par ailleurs, le fait de devenir m�re � 25 ans �tait une responsabilit� dont j�avais extr�mement conscience, et qui me pesait, m�me si le bonheur que cela me procurait contre-balan�ait compl�tement cela.

L�un des th�mes du film est l�accouchement sous x ; qu�est-ce qui vous a incit�e � l�aborder ?
Ce n�est pas son aspect social qui m�int�ressait, bien que je me sois renseign�e aupr�s de l�association Mo�se qui essaie d�aider les femmes dans cette situation. Mon but �tait de rendre concret le risque qu�on prend en faisant un enfant, quel que soit son �ge ou sa condition, ainsi que la remise en question de soi-m�me que provoque cette responsabilit�, et la perte de libert� et d�insouciance qu�elle implique. On prend le risque de ne pas l��lever aussi bien qu�on le voudrait, c�est cette inqui�tude que j�ai voulu faire passer � travers ce th�me et j�ai mis cela dans le personnage de Claire.

Comment avez-vous travaill� sur les personnages ?
Je les ai tous �crits � partir de moi-m�me. Je peux d�ailleurs me reconna�tre en chacun d�eux. Claire (Lola Naymark) a la force de caract�re de ses 17 ans, une grande d�termination, alli�e � beaucoup de respect pour Mme M�likian. Ce qui ne l�emp�che pas d��tre effront�e par moments avec elle. Elle a aussi un potentiel de vie incroyable. Mme M�likian, qui est interpr�t�e par Ariane Ascaride, �tait fond�e sur le deuil de son fils, avec qui elle vivait seule, ainsi que sa pudeur, sa retenue, et son m�tier de brodeuse pour la haute couture.

� quel moment avez-vous choisi vos interpr�tes ?
Avant que je ne commence le casting, Ariane Ascaride a lu le sc�nario dans le cadre du festival d'Angers. Je ne pensais pas � elle pour ce r�le car elle �tait trop jeune, mais j'�tais contente de faire sa connaissance. L'exp�rience de sa lecture � Angers a �t� d�terminante, parce qu'elle a aim� le sc�nario, et parce que j'ai aim� le sc�nario tel qu'elle le lisait. Beaucoup de lecteurs ajoutaient de la noirceur � l�histoire, ne sentaient pas certaines pointes d'ironie. Elle si. Tout de suite. Et sans que je ne lui aie dit quoi que ce soit. Moi, � Angers, j'�tais comme une membrane entre elle et le public, le coeur battant. C'�tait la premi�re fois que mon travail sortait du cercle professionnel, vivait d'�motion. J'ai attendu 10 jours avant de lui proposer le r�le, pour ne pas m'emballer. Elle a accept� de se vieillir, de se durcir, et elle est entr�e dans le personnage comme dans un gant... Ariane est formidable, toujours � l'�coute. La seule chose que sa pr�sence ait chang� dans le sc�nario, c'est la nationalit� de Mme M�likian, qui � l'origine, �tait tch�que. Ariane est tr�s impliqu�e dans la vie de la diaspora arm�nienne en France, et elle va r�guli�rement � Erevan. Ayant moi-m�me eu quelques contacts avec des Arm�niens, �a ne m'a pas co�t� de faire en sorte qu�elle soit d'Arm�nie. Pour le r�le de Claire, nous avons fait un casting classique. Et Lola Naymark est arriv�e. Elle �tait la description exacte de Claire dans le sc�nario, avec ses cheveux roux flamboyants, et son air effront�. Lola �tait une �vidence. C'est d�j� une formidable com�dienne, avec � la fois beaucoup de fra�cheur et beaucoup de m�tier. Elle a jou� dans �Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran�, de Fran�ois Dupeyron, avec Omar Sharif, et aussi, toute petite, dans "Riches, belles, etc", avec Claudia Cardinale. Entre les deux, elle a fait plusieurs t�l�films, dont les derniers de Roger Vadim.

Broder, c�est � la fois coudre et inventer. Qu�est-ce qui vous a attir�e vers ce m�tier ?
Je voulais parler d�un m�tier de l�ombre. La couture est vraiment une m�taphore du cin�ma. Quand on voit un film, on ne s�imagine pas le travail des techniciens. De m�me que quand on voit un mannequin qui d�file sur un podium, on n�imagine pas les heures de travail des petites mains qui sont derri�re. Quand j�ai visit� l�atelier de Monsieur Lesage ou celui de Nadja Berruyer, qui a r�alis� les broderies du film, j�ai compl�tement retrouv� l�atmosph�re que je recherchais, c�est-�-dire cette esp�ce de connivence f�minine et cet esprit de corps. Dans le film, la broderie joue comme un journal intime, elle exprime ce qui habite les personnages. Claire travaille � partir de mat�riaux de r�cup�ration, des peaux de lapin, des rondelles de plomberie, sans technique. Le c�t� tactile du film comptait beaucoup pour moi. Et quand elle regarde le travail de Mme M�likian sous le m�tier, elle fait tout un voyage int�rieur, assez sensuel. Il fallait que le m�tier � broder grandisse chez madame M�likian au fur et � mesure que le b�b� s��panouit dans le ventre de Claire. L�atelier est � mes yeux une sorte de grotte o� elle se cache, comme un ventre. Les tissus sont transparents pour qu�on puisse filmer au travers, voir les mains au travail, et le visage de la brodeuse, plus loin.

Comment s�est d�roul� le montage ?
C�est Jo�le van Effenterre qui a mont� le film. Elle a commenc� par faire un premier bout � bout en respectant le sc�nario � la lettre, pendant le tournage. Cela m�a permis de me rendre compte par moi-m�me qu�on pouvait ais�ment supprimer certaines sc�nes, et qu�il fallait revoir la structure du d�but et de la fin du film. Ensuite, tout a �t� dans la relation que nous avons eue toutes les deux. Jo�le a beaucoup d�exp�rience, mais surtout, elle a des convictions qu�elle sait d�fendre, comme moi, puisqu�elle sait aussi abandonner si je l�ai convaincue du contraire. Mais bien souvent, nos instincts allaient dans le m�me sens. Nous faisions r�guli�rement des projections du montage en cours pour garder le plus possible de recul sur notre travail.

Avez-vous d�j� des projets ?
J'�cris un sc�nario qui se passe en 1962 � l'h�pital de Tizi Ouzou, en Kabylie. C'est l'histoire d'un appel� du contingent qui vient de finir ses �tudes en pharmacie et qui est parachut� "responsable de la banque de sang" l�-bas. Or les Alg�riens n'ont pas le droit de donner le leur par ordre du FLN. Les Pieds noirs pensent plus � regagner la m�tropole qu'� donner leur sang, et les appel�s du contingent, qui constituaient la r�serve principale de donneurs, arrivent de moins en moins nombreux � l'approche des accords d'Evian. La banque de sang est donc dure � alimenter. Mais les malades alg�riens ont pourtant besoin d'�tre transfus�s...